Comment faire le deuil de son animal de compagnie ?
Faire le deuil de son animal de compagnie, c’est rentrer dans un processus de deuil, comme lors de la perte de tout être cher. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de vivre ce deuil, car chacun réagit différemment. D’ailleurs, au sein d’une même famille, chaque membre évoluera à son rythme, et le respect de cette période vécue de façon singulière par chacun est essentielle.
En ce mois de Novembre synonyme de rites funéraires pour beaucoup d’entre nous, nous avons décidé de vous donner quelques clés pour mieux comprendre ce moment, et enclencher ce travail nécessaire pour surmonter le départ de votre boule de poils adorée.
La clinique vétérinaire est un lieu ambivalent pour beaucoup de propriétaires de chiens, de chats, de lapins, de gerbille ou de cochon d’Inde. Elle est la plupart du temps synonyme de soins, de bien être et de guérison, mais elle sera aussi un jour le lieu où il faudra dire au revoir à votre confident… On oublie trop souvent que ce dur moment fait aussi partie de la vie de tout propriétaire. Le connaitre un peu mieux permet souvent de le vivre de façon un peu plus sereine. Il y a quelques temps, nous vous avions parlé de la façon dont se déroule l’euthanasie à la clinique, nous souhaitions aujourd’hui mettre un coup de projecteur sur le processus de deuil.
Le deuil, un processus psychologique bien particulier
La définition du deuil est la mise en place d’un processus d’adaptation émotionnelle à la suite d’une perte. Cette perte concerne tous les êtres qui nous sont chers, humains comme animaux, mais aussi des choses plus matérielles comme un travail, une maison, un projet de vie etc.
Nous sommes donc confrontés à cette expérience de nombreuses fois tout au long de notre vie !
Ce processus d’adaptation est nécessaire pour pouvoir dépasser la perte et revenir à sa vie quotidienne. Cependant, il peut être plus ou moins long et peut avoir des conséquences plus ou moins importantes sur notre vie sociale, nos émotions, nos comportements… En résumé, il se vit donc de façon très individuelle, mais il ne doit pas être vécu seul, au risque de sombrer !
Il se découpe toujours en 7 phases, bien codifiées et bien connues des spécialistes, depuis que le Dr Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre helvético-américaine, a théorisé ce process dans les années 1969/1970.
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Les 7 phases du processus de deuil :
- Le choc : cette phase, souvent très courte, est une phase de sidération. On peut avoir la sensation d’être dans une autre dimension, on ne comprend pas.
- Le déni : notre cerveau se protège et refuse de croire l’information, qui est trop difficile à accepter. Refuser la réalité est une façon de se protéger.
- La colère : cette phase est marquée par une attitude de révolte envers soi, envers les autres, envers l’équipe vétérinaire qui a pris en charge l’animal. Cette phase de colère peut être très violente parfois, il faut trouver un coupable. Cette phase se caractérise aussi par le marchandage : nous sommes confrontés à l’impossibilité de revenir en arrière, et pourtant nous promettons à Dieu, à la Nature, à nous-mêmes ou à toute autre entité de changer telle ou telle chose si l’animal revient.
- La tristesse : cette étape nous projette dans une nouvelle dimension, puisque l’on commence à accepter la perte de son animal, et surtout à en comprendre les conséquences. On entend souvent des phrases comme « C’est pas juste ! », « Qu’est-ce que je vais devenir/faire ? », car on entrevoit la solitude que la perte de l’animal peut engendrer. Il faut réorganiser son quotidien, et cela fait peur.
- La résignation : notre cerveau commence à abandonner cette lutte stérile : il est impossible de revenir en arrière, la mort est inéluctable, et le choix de la vie est essentiel.
- L’acceptation : ce moment délicat est celui de l’acceptation de la perte. On devient capable de garder les bons comme les mauvais moments, sans les idéaliser. On peut envisager d’adopter un nouveau compagnon : il ne remplacera pas le précédent, mais on a envie d’écrire un nouveau chapitre dans son livre de vie.
- La reconstruction : le deuil se termine, la vie reprend ses droits.
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D’une personne à l’autre, suivre ce cheminement peut prendre des jours, des semaines ou des mois.
Toutes ces phases ne sont pas linéaires, peuvent se chevaucher, et sont parfois même pour certaines inexistantes. Cependant, il est important de les connaître pour mieux comprendre les émotions qui nous traversent, mais il n’est ni utile ni bon de penser y échapper. Elles font partie d’un travail sur soi nécessaire.
Le deuil spécifique d’un animal de compagnie
L’espérance de nos animaux de compagnie a beaucoup augmenté mais reste, bien sûr, beaucoup plus faible que la nôtre. Pour tous les amoureux des animaux, être confronté à la perte de son poilu sera donc une situation douloureuse vécue probablement plusieurs fois au cours d’une vie.
De nombreuses études montrent qu’il est très bénéfique émotionnellement d’avoir un animal de compagnie :
• Ce compagnon nous réconforte et nous rassure.
• Il nous fait rire.
• Grâce à lui nous nous sentons aimés et aimons en retour.
• Nous nous sentons responsables, utiles.
• C’est par son intermédiaire parfois que nous faisons de belles rencontres !
• Il nous fait faire de l’exercice (parfois beaucoup !!)
• Il ne nous juge jamais
• Il est un confident loyal et discret
D’ailleurs, ces études montrent aussi que les propriétaires d’animaux de compagnie consultent moins leur médecin généraliste !
Il est donc logique que la perte de cet animal nous désempare totalement ! Beaucoup de personnes extérieures au cercle familial, ou n’ayant jamais eu d’animal de compagnie ne parviennent pas à comprendre la profondeur de cette détresse. Or les spécialistes sont tous unanimes : l’animal de compagnie est rentré dans nos foyers, vit avec nous… Son décès est un traumatisme qui nécessite de faire le deuil de ce membre de la famille. Il est nécessaire de passer par toutes les phases de ce processus psychologique, sans tenir compte de l’incompréhension et parfois mêmes des moqueries de son entourage.
Des conseils pour faire le deuil de son animal
Et pour y parvenir, voici quelques conseils qui nous paraissent très importants.
- Donnez-vous DU temps, UN temps. Ce temps est essentiel pour organiser vos ressources, et vous réapproprier votre quotidien. Ce temps durera le temps que VOUS considérez comme nécessaire. N’écoutez donc pas les personnes qui pourraient minimiser et vous faire remarquer « qu’il est temps de passer à autre chose », « que ce n’est qu’un animal » etc.
- Pardonnez-vous si vous vous sentez coupable d’avoir notamment dû procéder à son euthanasie. Soyez convaincu que vous, ainsi que toute l’équipe de la clinique vétérinaire, avez TOUT fait pour votre compagnon adoré.
- Autorisez-vous à laissez libre court à vos émotions : colère, pleurs, absence de pleurs, rires en se rappelant ses bêtises… Exprimez vos émotions : dialoguez avec une personne bienveillante de votre entourage, écrivez un journal, criez votre chagrin en forêt ou sur le bord de mer… Tout ce qui sera exprimé ne s’imprimera pas, et vous permettra petit à petit d’y voir plus clair…
- Gardez un souvenir de lui : une touffe de ses poils, l’empreinte de sa patte, un album photos, un arbre ou des fleurs plantés en sa mémoire…Tout cela peut vous aider à surmonter votre chagrin.
- Conservez votre rythme de vie si vous avez d’autres animaux. Ils ressentent tous la perte de leur copain/copine, et ils ressentent également votre peine. Essayez de ne pas bouleverser leur quotidien, cela vous permettra également de vous raccrocher à des routines journalières. A défaut de faire de grands projets, cela permet d’avancer au jour le jour.
- Ne réadoptez pas un nouveau poilu tant que toutes vos étapes de deuil ne sont pas passées ! Comme nous l’avons décrit plus haut, tous les membres de la famille ne progressent pas au même rythme dans ce processus de deuil. Attendez d’être tous bien prêts pour accueillir ce nouveau compagnon, et entamer un nouveau chapitre heureux de votre vie !
- N’hésitez pas à venir à la clinique pour reparler de Médor ou Félix. Nous les avons bien connus, et nous sommes là aussi pour vous accompagner après !
L’accompagnement au deuil animalier
Si, la plupart du temps, le deuil de son animal de compagnie se déroule de façon adaptée, il peut parfois être nécessaire de se confier à un.e professionnel.le pour traverser ce moment de chagrin intense.
Nous avons pu échanger avec Marianne Meyzen, sophrologue en région toulousaine, qui a décidé d’axer sa pratique sur l’accompagnement au deuil animalier, et lui poser quelques questions sur son métier au quotidien.
- Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours professionnel, et comment avez vous eu l’idée de proposer une prise en charge dédiée aux personnes en deuil de leur animal de compagnie?
Juriste de formation, puis agent commercial indépendant, j’ai commencé un cursus de sophrologie en 2019 en deux ans sur Toulouse, puis dans la Creuse à l’école de Florence Parot, fondatrice il y a une douzaine d’années de The Sophrology Academy à Londres.
Lorsque j’ai débuté mes études, je souhaitais me spécialiser dans l’accompagnement des personnes souffrant de troubles de l’audition (acouphènes, presbyacousie) et de vertiges (ce que j’ai fait).
Il se trouve que notre Labrador Buck, adopté à l’âge de 4 ans après trois abandons, est mort alors que je passais ma certification l’année dernière.
Notre rencontre (lui sur la route moi dans ma voiture) en janvier 2009, le jour où une tempête dévastait le Sud-Ouest, fut un coup de foudre réciproque qui s’est transformé en relation fusionnelle.
Il avait 16 ans et demi et son décès m’a dévastée. Je me suis rendu compte qu’il n’existait pratiquement rien en terme de soutien.
Même si j’étais entourée de personnes très bienveillantes, je devais gérer seule la grande souffrance que je traversais alors.
Adapter au deuil animalier les techniques mises en place par le neuropsychiatre Alfonso Caycedo, père de la sophrologie, m’est alors apparu comme une évidence.
Buck donne son nom à l’accompagnement que je propose et lui-même accompagne ma vie professionnelle de cette manière. Nous sommes pleinement connectés l’un à l’autre par « Les Amis de Buck » et cela contribue à consoler mon cœur. - Y a t’il des formations spécifiques en France?
Pas à ma connaissance, mais je serais très heureuse d’aider des collègues thérapeutes. Nous sommes très peu à œuvrer dans ce domaine en France et c’est dommage. - Le regard porté sur la période de deuil pour un animal de compagnie est-il le même en France et à l’étranger? S’il y a des différences, pourquoi selon vous?
J’ai comme critère de comparaison la culture nord-américaine que je connais bien.
Aux Etats-Unis, l’animal de compagnie est d’après ce que je peux en voir davantage considéré comme un membre de la famille.
Les Américains utilisent dans le langage courant des termes tels que « baby boy » ou « baby girl », voire « furry baby » (« à fourrure ») sans que cela ne choque ou ne prête à sourire. L’animal est presque humanisé.
L’annonce de la mort d’un animal de compagnie sur les réseaux sociaux est accueillie sans jugement par la communauté de la personne, laquelle exprime ses émotions avec – il me semble – davantage de liberté qu’en Europe, en étant moins dans la retenue.
Le deuil animalier y occupe une place plus importante, grâce à des personnalités comme Brent Atwater ou Laila del Monte, pionnière en communication animale.
Il en est de même au Québec, où Lynne Pion s’en est saisie il y a déjà longtemps en proposant un accompagnement de grande qualité aux personnes ayant perdu leur animal.
Les groupes de soutien y sont nombreux contrairement à notre pays.
Cela étant, je note qu’en France, nous sommes devenus ces dernières années beaucoup plus ouverts sur la question.
Après – hélas – de nombreux scandales de souffrance animale, nous revendiquons de plus en plus majoritairement que le respect soit dû à toute bête qu’elle soit de compagnie, domestique ou d’élevage.
La législation évolue. L’animal est désormais considéré par notre Code Civil comme « un être vivant doué de sensibilité ».
Adieu la sidérante définition du « bien meuble », qui a contribué pendant trop longtemps à minimiser sa place à côté de l’être humain et donc la reconnaissance à ce dernier du droit à éprouver du chagrin.
La mort d’un animal de compagnie quel qu’il soit ou la fin de vie des chevaux après une carrière sportive sont médiatiquement plus présents.
Et donc, leurs humains se cachent un peu moins pour pleurer.
Un article consacré aux pompes funèbres animalières paru le 18 octobre dernier dans le JDD s’est également fait l’écho de ce que les Français n’hésitent plus à offrir à leur compagnon disparu des funérailles semblables à celles des humains.
La charge mentale des professionnels de la santé animale fait également l’objet de reportages, comme cet été sur RTL. Les vétérinaires et leurs assistants s’occupent de leurs patients poilus et « plumus » parfois de longues années et entretiennent des liens particuliers avec leurs clients qui se confient souvent à eux.
Aussi la gestion de la mort de l’animal, celle des émotions de leur humain et de leurs propres ressentis est-elle un passage obligé toujours compliqué. - Pour quelles raisons des personnes ayant perdu un animal de compagnie viennent elles vous voir?
Il y a majoritairement une impossibilité à surmonter le chagrin, comme si la personne se trouvait dans un labyrinthe d’où elle ne peut trouver l’issue pour aller mieux.
Un empêchement à poursuivre sa vie ou une grande difficulté dans les tâches quotidiennes (crises de larmes, grande fatigue, manque de concentration et impossibilité d’aller de l’avant).
On ne peut se détacher de sa peine, parfois inconsciemment en pensant qu’aller mieux serait synonyme de détachement à son animal disparu et que cela trahirait son souvenir.
Il y a souvent le désir de parler librement de son animal en ne pouvant bénéficier d’un entourage suffisamment aidant et compréhensif. « J’ai peur de ne pas être pris au sérieux » est aussi exprimé.
Et s’entendre dire par exemple « Ça n’était qu’un perroquet ! » est insupportable à celui qui a vécu plusieurs décennies avec lui.
L’amour d’un animal est inconditionnel et chacun d’eux a son histoire reliée à notre propre existence par rapport à soi-même, à une période de notre vie, à un proche qui a compté.
Je me souviens ainsi d’un monsieur dont le chat avait été un soutien important dans sa guérison d’une leucémie. C’est précisément ce dont le minet se mourait.
Pour cette personne, la notion de dette était immense et son impuissance à ne pouvoir le sauver à son tour le rendait inconsolable. - Recommandez vous systématiquement de se faire aider?
Les personnes qui viennent me voir peuvent librement vivre une seule séance ou bien l’intégralité des six que je propose.
Si elles souhaitent simplement me parler et ne plus revenir en ayant trouvé du soulagement à leur chagrin, c’est également très bien.
Les particularités d’un accompagnement sont plurielles.
Je ne suis qu’un guide, la personne étant pleinement actrice de la séance, en douceur et à son rythme.
Lorsqu’on a un profond chagrin, on est en souffrance globale, physique et morale.
Le corps est douloureux, bloqué et l’on tourne en boucle sur le manque de son compagnon, les regrets.
La séance s’articule autour d’un relâchement musculaire, d’un retour à son corps par quelques exercices simples pour s’ancrer dans le présent, un travail sur la respiration permettant une meilleure circulation énergétique et une visualisation.
L’animal est pleinement intégré à la séance.
Solliciter ses 5 sens y joue un rôle central, comme percevoir à nouveau l’odeur de son poilu/plumu, qui nous est tellement addictive dans l’affection que nous lui portons.
Reconnaître ses émotions, les accepter telles qu’elles sont, puis recréer des sensations positives en se les appropriant c’est emprunter la voie vers un mieux-être, un apaisement, une libération.
On ouvre une porte en s’accordant le droit de la franchir tout en étant connecté à son animal par un indéfectible lien.
La mise en place de rituels autour du départ de son compagnon participe également de la résilience. - Comment l’entourage peut détecter qu’une personne a besoin de se faire aider ?
Il y a des signes tangibles tels qu’une prostration, un manque d’appétit ou des problèmes de sommeil qui sont également ceux d’une possible dépression.
Mais il faut prendre soin de la personne qui ne manifeste rien.
C’est peut-être le symptôme d’une profonde détresse.
Les grandes douleurs peuvent être réellement muettes et chacun vit le deuil de son animal à sa manière.
Aucun deuil n’est similaire à un autre dans son expression ou sa durée.
Tous méritent d’être accompagnés, sans oublier ceux que vivent les enfants.